09/07/2019

Ecoprest Prométerre

Dossiers cantonaux en lien avec l’agriculture Vie de la terre


Contrôles dans les exploitations: «Nous sommes là aussi pour rassurer»

Ils rythment le travail agricole, sont parfois redoutés ou critiqués, mais demeurent des instruments indispensables de la qualité. Comment fonctionne le système des contrôles agricoles? Quelles sont les règles et les limites? Quelles réponses aux critiques? Chef d’orchestre de ces visites dans les fermes vaudoises, Marcel Friedli répond aux questions.

Quand on les évoque dans l’actualité, c’est plutôt pour les critiquer, après qu’un problème a été pointé en public, voire un scandale dénoncé. Mais dans la grande majorité des cas, les contrôles effectués dans les exploitations révèlent un travail consciencieux malgré l’évolution complexe de l’agriculture, plus que jamais sous la pression des règlements, du marché et de la société. Rencontre avec Marcel Friedli, personnage clé puisque responsable de l’office Ecoprest, unité de Prométerre mandatée par le canton de Vaud pour coordonner les contrôles.

Marcel Friedli, vous êtes un peu le méchant chez Prométerre, non? Vous qui pilotez tous les contrôles...
(Rires...) Non, je ne crois pas. Vous savez, je répète souvent aux contrôleurs qu’ils doivent certes pointer des manquements aux normes en vigueur, mais surtout que leur travail est d’abord de dire quand ça va! Quittancer le positif, c’est leur mission de base. Les agriculteurs ont besoin qu’on leur dise que leur travail est fait dans les règles de l’art, si c’est le cas, et pas seulement que l’on énumère les problèmes.

D’accord, mais avouez que les gens que vous envoyez sur le terrain ne sont pas forcément toujours les bienvenus!
Il est vrai que parfois ça peut partir en vrille. C’est humain. Imaginez la crainte permanente de ne pas être à jour et de devoir en subir les conséquences. D’autant que dans l’élevage, une partie des contrôles se fait à l’improviste. Il suffit de tomber un mauvais jour, où l’agriculteur, pris par des urgences en cascade, n’a pas pu nettoyer une litière par exemple. Dans ce cas, on s’énerve vite. Mais c’est précisément là que la psychologie et l’expérience du contrôleur sont capitaux: il sait distinguer si un fumier n’a pas encore été sorti ou s’il y a négligence. N’oublions pas qu’un exploitant est présumé innocent, si j’ose dire. Et que l’examinateur doit être très attentif à la situation de celui qu’il visite et en tenir compte. Il doit débusquer ceux – il y en a parfois – qui sont davantage intéressés par la subvention que par le but à atteindre, distinguer – quand c’est possible – ceux qui trichent de ceux qui n’ont pas compris le système à cause de sa complexité. Et puis, si vraiment cela se passe mal entre les deux personnes, le paysan peut déposer une réclamation. Mais là aussi, c’est très rare.

Il faut dire que c’est compliqué, dans l’agriculture, d’être un bon élève...
C’est un défi permanent, oui. La tâche est complexe et il faut se montrer très polyvalent pour la remplir. Les changements sont incessants, les programmes à suivre se multiplient et les mesures sont de plus en plus disparates. Par ailleurs, les enjeux sont majeurs pour les exploitants: obtention des contributions, accès au marché… Raison pour laquelle, dans l’absolu, on peut trouver des problèmes chez tout le monde. Mais quand il y en a, ils sont plutôt involontaires ou mineurs (annotations pas à jour, journal des sorties pour les bêtes incomplet, dérive involontaire de produit phytosanitaire, saleté accidentelle). Les problèmes graves demeurent rares.

Soyons maintenant très concrets: comment ça marche?
Ecoprest a le mandat du canton de coordonner ces contrôles. Les exploitants qui bénéficient de paiements directs doivent prouver qu’ils satisfont aux conditions d’octroi et à d’autres prescriptions légales; au total, il y en a une dizaine! En parallèle, il y a aussi des détenteurs d’animaux de rente hors subventions; par exemple, un particulier possédant des chevaux doit être contrôlé. Une ordonnance fédérale dicte comment tout cela doit se passer. En gros, nous devons identifier les visites à faire, les organiser de la manière la plus rationnelle possible et respecter un certain rythme. Normalement, il ne doit pas y avoir plus d’une inspection par an (deux pour les bios), davantage s’il y a eu un non-respect par le passé ou s’il y a une nouveauté dans l’activité. Ecoprest assure également le suivi pour les labels. La complexité est d’adapter le contrôle au profil de l’exploitant et au rythme, avec des conditions qui évoluent sans cesse. C’est un peu un travail d’équilibriste!

Ce programme n’est que la première phase du travail…
Effectivement. Il est ensuite transmis aux organes de contrôle: vétérinaires, bios et la CoBrA (Association vaudoise de Contrôle des Branches Agricoles), que je dirige également – c’est là que je change de casquette!

Quel est le profil du contrôleur type?
Compétent et indépendant, il est lui-même un agriculteur actif, un professionnel expérimenté qui se met à jour chaque année par une formation continue. On l’engage pour un domaine d’activité qu’il pratique (et pour lequel il est aussi contrôlé!); il n’y a pas besoin de recruter, on a toujours des volontaires. Pour eux, cela représente un revenu d’appoint, mais surtout un enrichissement technique et humain. Ils sont environ 125 sous contrat, représentant treize compétences-métier différentes. Le contrôleur reçoit les dossiers des exploitations à visiter et s’organise. Sauf pour certains aspects de l’élevage, il prend rendez-vous. Sur place, il doit remplir une check-list, faire concorder les explications de l’agriculteur, les documents justificatifs et les preuves visuelles, afin de dresser un tableau de la situation. Il ne travaille pas dans sa région, tourne régulièrement et doit se récuser en cas de conflit d’intérêt. Tout cela garantit
son indépendance.

Mais comment évaluer dans quelle mesure un agriculteur est vraiment responsable d’une situation non conforme? Il existe tellement d’aléas.
C’est vrai. Prenez la jachère par exemple. À l’observation d’une parcelle pleine de solidage (une plante envahissante, ndlr) l’inspecteur est tenu de signaler le problème; mais est-ce dû à un laxisme ou à une évolution imprévisible? Dans un tel cas, le constat doit de toute façon figurer au rapport, mais avec un commentaire sur les circonstances. Autre exemple: une météo difficile, comme le gel ou la neige, n’est pas forcément considérée comme un cas de force majeure: il faut rattraper les jours de sorties manquants pour les bêtes (SRPA). Et puis, le contrôleur peut être amené à intégrer à son évaluation des antécédents négatifs, divers échos confirmant des soupçons ou une mauvaise foi apparente.

Que se passe-t-il ensuite?
La check-list remplie est rendue à la CoBrA, qui la transmet au mandant, État ou autre. C’est lui qui déterminera la suite à donner, pas nous. Notre rôle à ce stade est très limité.

Ces dernières années, des porcheries ont été dénoncées par des tiers pour maltraitance des animaux, suscitant l’indignation dans le canton. Est-ce que cela traduisait un manquement dans les contrôles?
Non, les contrôles effectués avant ces dénonciations avaient révélé des problèmes dont le mandant (le vétérinaire cantonal) a été informé. Ces dossiers étaient suivis de près, des délais avaient été imposés pour que la situation rentre dans la norme. J’observe que ce n’est pas notre organisation qui a pu être critiquée. Les contrôles ayant été réalisés à l’improviste par des contrôleurs spécialisés, notre crédibilité n’a pas été remise en cause. Nous n’appliquons pas les mesures issues des contrôles, ce sont les mandants qui le font. Alors il est vrai que tout cela prend parfois du temps, mais il y a des procédures et il faut les respecter.

Durant ces crises, le fait que la profession s’autocontrôle avait aussi été critiqué. Est-ce vraiment la bonne méthode?
Pour répondre à cette critique, je précise d’emblée que notre organisme d’inspection (CoBrA) est accrédité, garantissant notre indépendance et notre professionnalisme. Je ne vois pas davantage de crédibilité si c’est un fonctionnaire qui officie. Je suis convaincu qu’un professionnel saura toujours distinguer la réalité et ne pas se faire rouler dans la farine. Certes, le fonctionnaire serait libéré de l’émotion, mais n’étant pas exploitant lui-même, il lui manquera une certaine finesse d’analyse face à ce qu’il voit et ce qu’il peut
entendre comme explications.

La pratique de ces contrôles est-elle amenée à évoluer?
Oui, dans le sens d’un allègement et d’une simplification. À la suite d’une adaptation du droit fédéral, en vigueur l’an prochain, l’intervalle entre deux contrôles va être élargi et le nombre de points de contrôle sera réduit, certains se limitant à une simple surveillance. En parallèle, il y aura quelques contrôles supplémentaires, ciblés sur des risques particuliers. Et je pense que c’est positif, même si on nous laisse peu de marge de manœuvre; en matière de simplification, j’aimerais parfois en faire plus! Mais cela permet aussi de répondre aux critiques sur la trop forte pression subie par les paysans, en particulier avec des tracasseries administratives. Toute la complexité du travail agricole aujourd’hui, ainsi que l’importance des enjeux, montrent bien que l’on doit constamment chercher à simplifier et alléger le cadre de travail, tout en visant l’efficacité.

Propos recueillis par Grégoire Nappey, Prométerre
Photo: Olivier Vogelsang
Article paru dans le «ProméterreMAG» no2, avril 2019


Marcel Friedli en quelques dates

1963: naît à Genève.
1982: stage dans une exploitation agricole.
1989: obtient son diplôme d’ingénieur agronome EPFZ, est engagé à la vulgarisation vaudoise.
1995: nommé responsable d’Ecoprest au sein de Prométerre nouvellement créé.
2008: Ecoprest est nommé par le Conseil d’Etat comme service de coordination des contrôles.


Sous la loupe des contrôleurs

En matière d’élevage, les prérequis de base sont, dans l’espace où évoluent les animaux, la place à disposition, la lumière, la propreté, les soins aux malades et la gestion des sorties pour les animaux entravés. Dans des programmes spéciaux, on mesurera le respect du rythme des sorties réglementaires en plein air (SRPA), on vérifiera la détention non entravée, l’accès à deux aires, litière et sol dur (SST).
Pour les cultures, les prestations écologiques requises (PER) sont au cœur des exigences: assolement équilibré (rotation), promotion de la biodiversité, usage de produits phytosanitaires pertinent et respectant les distances avec les cours d’eau, bords de forêt et haies, bordures de chemin, etc. Ici aussi, il existe des dispositions particulières complémentaires en fonction des programmes auxquels l’exploitation s’est inscrite.

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