08/11/2018

Vie de la terre


"Nous avons des concepts pour favoriser l'immunité de nos animaux"

Du 12 au 18 novembre a lieu la semaine mondiale pour un bon usage des antibiotiques. A cette occasion, l'agricultrice vaudoise Catherine Meister Schwager partage son expérience de l'homéopathie pour les soins donnés à son cheptel de 60 vaches laitières et ses poulets peuplant une halle de 800m2.

Qu’est-ce qui vous a poussée à utiliser l’homéopathie pour traiter votre bétail ?

J’ai engraissé des veaux (veaux blancs et d’engraissement) de manière intensive et active et, après un certain temps, j’ai constaté que les antibiotiques atteignaient leurs limites. Auparavant, malgré un traitement d’entrée des lots, environ 10% nécessitaient un traitement antibiotique plus ciblé en supplément, suite à quoi quelques individus ne pouvaient pas être récupérés. En parallèle, j’ai aussi fait la constatation que nos vaches réagissaient de moins en moins bien aux traitements antibiotiques en cas de mammites. Le tarissement des vaches avec antibiotiques effectué sur l’exploitation pendant les 30 ans précédentes expliquait probablement cela.

Depuis combien de temps pratiquez-vous ce genre de traitements et dans quelle proportion (pourcentage) avez-vous pu diminuer les antibiotiques utilisés ?

J’ai commencé à utiliser l’homéopathie en 2011. Il a fallu du temps pour trouver les bons remèdes, les bonnes dilutions et les bons livres. En Suisse romande, il n’y avait pas d’offre quant au conseil ou à la pratique, pas de groupe d’échange. Je me suis formée par moi-même, en particulier avec le « Handbuch zur homöopathischen Stallapotheke » (Manuel de la pharmacie d’étable homéopathique) rédigé par plusieurs vétérinaires et le « Klassische Homöopathie für Rinder» de Birgit Gnadl. J’ai commencé avec le tarissement, en supprimant l’utilisation de tarisseurs antibiotiques sur les jeunes vaches sans cellules. J’ai tout de même parfois utilisé des obstructeurs. Ensuite, j’ai appliqué cette pratique à des vaches de plus en plus vieilles. Finalement en 2016 et 2017, une seule vache avec été tarie avec des tarisseurs et en 2018 plus aucune. J’obtiens des bons résultats, même si ça ne va pas tout seul. Il peut y avoir des mastites (au tarissement ou après vêlage), mais leur traitement fonctionne mieux. En revanche, les vaches taries ne sortent plus au parc l’été, elles restent à l’étable et sur la place SRPA. Sinon, il y a trop de risques avec les mouches et les parasites.Mon mari, qui gère le poulailler, utilise aussi l’homéopathie en préventif lors de la mise en place des poussins selon un plan d’action élaboré par un homéopathe pour animaux. Cela fait une année que nos poulets sont engraissés sans antibiotiques.

Quels sont les défis pour appliquer l’homéopathie ?

C’est un processus qui doit se faire, il faut changer son état d’esprit et sa manière de fonctionner. Les jeunes vaches qui n’ont jamais eu d’antibiotiques sont plus résistantes, elles sont aussi moins malades.Il faut avoir confiance en soi mais aussi connaître ses limites. Dans certains cas, il faut tout de même savoir appeler le vétérinaire. Avec l’homéopathie, je porte moi-même la responsabilité des soins du troupeau, c’est parfois lourd à porter. Avec les antibiotiques, c’est le vétérinaire qui porte cette responsabilité.

Quel temps cela vous prend-il ? Combien de temps prend un traitement par l’homéopathie ?

Les antibiotiques c’est facile, alors que l’homéopathie prend du temps. On doit être présent, réagir vite, y consacrer du temps et suivre la bête et le traitement. Il est parfois difficile de trouver la solution adéquate. J’y consacre une moyenne de 30 minutes par jour, je travaille beaucoup en préventif. Pour le reste, cela dépend des traitements. Les cas standard sont réglés rapidement (choix de remède, dilution et administration). Certains cas sont plus compliqués et peuvent nécessiter une heure d’étude.La durée du traitement varie. Par exemple, le traitement d’une mastite aigüe dure en principe 5 jours. Les cas chroniques sont plus longs à soigner. Il faut aussi laisser le temps à la bête de se remettre. Avec l’homéopathie, le produit de la bête (lait ou viande) peut en tout temps être consommé et le risque lié à la présence de substances inhibitrices dans les produits est nul. Cela diminue aussi fortement le stress lors de la traite. Cela en vaut la peine. Alors qu’un quartier malade et soigné en médecine traditionnelle est parfois définitivement perdu, il peut être à nouveau productif lors de la lactation suivante après un traitement homéopathique.

Depuis que vous utilisez cette forme de traitements, comment la santé de votre bétail a-t-elle évolué ?

La santé de notre bétail a évolué positivement. Les veaux et les vaches tombent moins malades. Nous avons aussi mis des concepts en place pour favoriser l’immunité sur un plan général (diminution des courants vagabonds, compléments divers par l’alimentation). Nos vaches âgées qui ont eu des antibiotiques dans les années précédentes sont moins résistantes elles tombent plus facilement malades. Le traitement homéopathique préventif apporte des résultats positifs aussi avec les veaux. En effet, dans les boxes, la pression est assez grande, mais j’arrive à limiter les maladies. Je parviens à soigner quasiment toutes les affections aigües. Les maladies chroniques sont plus compliquées et prennent plus de temps.

Quelles sont vos perspectives à long terme et quel objectif vous êtes-vous fixé ?

L’objectif est de ne plus du tout avoir recours aux antibiotiques. De novembre 2017 à novembre 2018, seules 4 vaches ont été traitées avec des antibiotiques, dont 1 avec staphylocoques dorés et 1 avec corps étranger. Je veux garder les antibiotiques uniquement pour les cas très graves ou urgents. J’ai maintenant aussi pour projet de me former à mieux répertorier les remèdes homéopathiques et à comprendre les maladies chroniques pour compléter les connaissances que j’ai déjà acquises « sur le tas » et j’ai commencé à utiliser l’homéopathie également pour les végétaux (arbres, maïs après grêle, prairies) avec des résultats intéressants.

Avez-vous un exemple concret ou une astuce à transmettre ?

Les deux livres cités plus haut m’ont beaucoup aidé et sont des bonnes références. A quelqu’un qui serait intéressé, je conseillerais de commencer par ne plus tarir ses vaches avec les antibiotiques. Comme cela, les veaux ne sont pas en contact avec les antibiotiques ni in utero ni avec le colostrum. La qualité du colostrum est essentielle pour l’immunité du nouveau-né. Le colostrum d’une jeune vache non traitée aux antibiotiques est de bonne qualité, ce qui contribue à améliorer la santé et l’immunité des veaux.

(Interview réalisée par l'USP)

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